Le ressentiment qu’éprouvent aujourd’hui les Sahraouis à l’égard de l’ONU a pratiquement constitué le soubassement de toute la participation du représentant du Front Polisario en France à l’édition de ce jour de l’émission “L’Invité de la Rédaction” de la Chaîne 3 de la radio nationale. Mohamed Sidati, qui est également membre de la direction nationale de l’unique et légitime représentant du peuple sahraoui, a, en effet et à plusieurs reprises, répété que les “Nations Unies avaient, durant de nombreuses années, berné et floué les Sahraouis”. Une manière, par trop claire, de dire que l’ONU a trahi la confiance qu’ils avaient placé en elle après que le Front Polisario eut accepté de signer sous ses auspices, en septembre 1991, un accord de cessez-le-feu avec le Maroc; un accord qui, pour rappel, avait mis fin à une guerre de seize années entre les deux parties au conflit; une guerre qui avait commencé en 1975 avec l’invasion, par la soldatesque du Makhzen, du Sahara Occidental alors administré par l’Espagne. Surtout que ledit accord prévoyait dans ses clauses et l’organisation, à brève échéance, d’un référendum d’autodétermination pour permettre l’expression libre du peuple sahraoui quant à son devenir, et la mise en place d’une structure devant piloter préparer et organiser ce référendum; la fameuse MINURSO dont la mission originelle transparaît clairement dans son intitulé: Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental. Presque trente années se sont écoulées depuis sans que, a regretté Mohamed Sidati, l’ONU, pourtant garante, au regard de la légalité internationale, notamment de la Résolution 15-14 de son Conseil de sécurité, laquelle atteste clairement que “le conflit du Sahara Occidental est une question de décolonisation”, ne soit arrivée à l’organiser. Malgré le ressentiment que, à l’instar de tous les Sahraouis, il éprouve à son égard et le peu de confiance qu’il a aujourd’hui quant à un rôle positif que l’ONU pourrait jouer pour une résolution juste et équitable du dernier conflit colonial à avoir cours sur le continent africain, le dirigeant sahraoui n’a pas manqué d’exprimer sa prudente satisfaction quant aux conclusions auxquelles a abouti la dernière réunion du Conseil de sécurité; une réunion convoquée, pour rappel, à l’initiative de l’Allemagne. Sa satisfaction provient du fait que celle-ci ait clairement réaffirmé que “le conflit du Sahara est une question de décolonisation”. Et sa prudence, de l’amère expérience que son peuple a de trente années d’immobilisme de l’organisation onusienne. Mais également des solides appuis dont dispose le Makhzen en son sein. Des appuis que Mohamed Sidati a expliqués par des considérations géostratégiques tenant, pour une bonne part, aux visées occidentalo-sionistes “de déstabilisation et de démembrement des pays du Maghreb et de toute l’Afrique du Nord”. Et pour la France, à la persistance au sein de ses milieux dirigeants de réminiscences de son passé colonial. C’est également dans les considérations géostratégiques précitées que s’inscrit, pour le dirigeant sahraoui, “ce qui s’est passé dernièrement entre le Maroc, Trump et l’entité sioniste”. Et qu’il a qualifié “de véritable acte de brigandage international”. Mais également “de signe révélateur du désespoir dans lequel se trouve aujourd’hui le Makhzen” du fait, a-t-il expliqué, “de son isolement, de plus en plus patent, aussi bien à l’échelle internationale qu’à celle africaine”. Ce que confirme, on ne peut mieux, a poursuivi le représentant du Front Polisario en France, “ la mascarade de l’ouverture de consulats dans les villes du Sahara Occidental occupé par des pays pauvres qui n’y ont aucune communauté et, pour certains, qui n’arrivent même pas à payer leurs cotisations à l’Union Africaine”. Et à propos de cette dernière, Mohamed Sidati s’est réjouit de sa ré-implication dans le dossier du Sahara. Et ce, comme l’attestent, a-t-il dit, “les décisions de réinscrire celui-ci dans l’agenda de son Conseil de sécurité et de paix et de relancer la mission de la troïka africaine visant à trouver une solution juste et équitable au conflit du Sahara Occidental”, prisent par le dernier sommet virtuel de l’UA sur “une Afrique sans armes”. Tout en appréciant à leurs justes valeurs toutes ces évolutions favorables à la lutte du peuple sahraoui intervenues aussi bien à l’échelle onusienne qu’à celle africaine le représentant du Front Polisario a fermement déclaré que “les Sahraouis sont aujourd’hui convaincus que seule la lutte armée, adossée à une disponibilité à aller à des négociations sérieuses, est à même de leur garantir le respect de leur droit à l’autodétermination”. Ce qui lui a fait dire que la décision du retour à cette forme lutte, prise par la direction nationale sahraouie “est irréversible”.
- Mourad Bendris