Le Maroc se trouve aux prises avec une crise de corruption profondément enracinée, avec des pertes annuelles atteignant le montant stupéfiant de 5 milliards de dollars, selon le directeur général de l’Instance nationale pour la probité, la prévention et la lutte contre la corruption, Bachir Rachdi. Ces chiffres alarmants, révélés dans une interview avec un hebdomadaire marocain qui a consacré sa une au dossier de la corruption, soulignent le caractère systémique de la corruption, notamment dans les marchés publics, les licences et l’emploi. Les institutions publiques arrivent en tête de liste des secteurs les plus corrompus, reflétant une culture d’impunité bien ancrée qui continue de saper le tissu économique et social du pays.
Dans un précédent rapport, l’organisme marocain de lutte contre la corruption a déploré que la corruption dans le pays ne soit pas simplement une question de statistiques ou de rapports, mais plutôt une crise structurelle alimentée par le manque de volonté politique pour une véritable réforme. La réponse du régime est révélatrice : au lieu de renforcer les mesures anti-corruption, les autorités ont réduit le budget de l’agence de surveillance pour l’exercice 2025. De plus, l’organisme a été directement attaqué au parlement et dans les médias proches de l’État, révélant une campagne orchestrée de représailles contre ceux qui osent dénoncer la corruption endémique, même s’ils occupent des postes de surveillance officiels.
Rachdi a sonné l’alarme à plusieurs reprises, soulignant que la corruption n’est plus seulement un problème éthique ou juridique, mais un obstacle direct au développement et à la stabilité du Maroc. Il a averti que son coût économique est immense, entraînant une mauvaise allocation des ressources, une baisse des investissements, une stagnation de la productivité et une exacerbation des inégalités sociales. Pourtant, le système reste protégé, des hauts fonctionnaires étant impliqués dans des scandales de corruption, tandis que le régime garantit l’immunité juridique aux contrevenants, criminalise la dénonciation et fait taire les voix qui dénoncent les abus de pouvoir flagrants.
Les médias locaux ont vivement critiqué le parlement marocain, qui, en théorie, devrait servir de bastion de transparence et de contrôle. Cependant, des dizaines de députés ont été impliqués dans des scandales de corruption et de détournement de fonds, ce qui a encore érodé la confiance du public dans l’institution. Le dernier remaniement gouvernemental n’a fait que renforcer la perception de clientélisme, car les nominations ministérielles semblent servir de monnaie d’échange politique plutôt que de sélections fondées sur le mérite. Le chevauchement entre le pouvoir et les intérêts financiers a cimenté un système dans lequel la gouvernance est dictée par les accords des élites plutôt que par l’intérêt national.
Les observateurs s’accordent à dire que le paysage politique marocain reflète l’omniprésence de la corruption à tous les niveaux. Alors que le gouvernement et le parlement restent empêtrés dans des conflits internes au sujet des révélations de l’organisme de lutte contre la corruption, ce sont les citoyens ordinaires qui font les frais de la fraude systémique et de la mauvaise gestion. Les militants des droits de l’homme ont dénoncé à plusieurs reprises l’influence croissante de la corruption dans le royaume, affirmant que les institutions de l’État, en particulier le ministère de la Justice, sont devenues des refuges pour ceux qui pillent les fonds publics tout en réprimant les voix dissidentes.
Mohamed El Ghalloussi, président de l’Association marocaine pour la protection des fonds publics, a fait écho à ces préoccupations lors d’une récente conférence de presse. Il a averti que le pays était confronté à une crise existentielle, la corruption institutionnelle atteignant une ampleur alarmante qui menace à la fois l’État et la société. Il a appelé à une répression urgente des crimes financiers, exigeant la fin de l’impunité, la criminalisation de l’enrichissement illicite et des conflits d’intérêts, et la confiscation des richesses mal acquises des fonctionnaires corrompus.
El Ghalloussi a en outre accusé les autorités de restreindre les libertés civiques et politiques pour servir des intérêts particuliers, affirmant que les élites dirigeantes ont érigé des barrières juridiques et institutionnelles pour protéger leurs monopoles économiques et maintenir un statu quo qui profite à quelques privilégiés au détriment des masses. Dans un système où pouvoir et richesse sont de plus en plus étroitement liés, la lutte contre la corruption au Maroc reste une lutte difficile, la réticence du régime à mettre en œuvre des réformes témoignant de sa complicité dans la perpétuation d’une culture d’impunité.