Intervenant dans la matinée d’hier, lundi 21 décembre, sur les ondes de la Chaîne 3 de la radio nationale et ce, dans le cadre de l’émission “L’invité de la Rédaction”, Chemseddine Chitour, ministre de la Transition énergétique et des Énergies renouvelables, a passionnément plaidé pour la transition énergétique; un plaidoyer passionné qui tient au caractère urgent et vital de celle-ci pour le pays. “Il faut absolument sortir de l’addiction aux hydrocarbures (…) et rapidement aller aux énergies renouvelables”, a-t-il en effet déclaré. Non sans regretter que l’Algérie ait perdu beaucoup de temps dans le domaine. Surtout que cette perte n’est pas sans conséquences négatives sur la préservation de nos réserves en hydrocarbures fossiles. Mais également sur les plans économique, financier et environnemental.
Dans l’évident souci de sensibiliser les auditeurs qui étaient à l’écoute et, à travers eux, l’ensemble des citoyens algériens, le Pr.Chitour a indiqué que l’Algérie consomme, actuellement, quelque 100 milliards de m3 de gaz naturel par an. Un chiffre qui prend toute sa signification quand on le ramène et à la hausse continue, ces dernières années, de la consommation nationale interne en cet hydrocarbure, et au volume de nos réserves prouvées en la matière. Estimées à environ “2500 milliards de m3”, ces dernières pourraient, selon le ministre, être épuisées dans les 20 à 25 prochaines années. Et avant cela, dans le cas où le rythme de la consommation interne n’est pas maîtrisé, l’Algérie n’aura, dès 2028, plus aucune quantité de gaz à exporter. Une sombre perspective qui plaide, a ajouté Chemseddine Chitour, pour l’urgence d’aller à une transition énergétique qui fera la part belle aux énergies renouvelables. Surtout qu’en la matière, l’Algérie dispose d’atouts non négligeables: un fort gisement éolien, 280 sources d’énergie géothermique et le plus grand gisement solaire au monde; un gisement que les experts estiment à 3600 kwh au m2. Incontestablement, c’est sur ce dernier atout que compte le ministre pour réussir la transition énergétique souhaitée vers un modèle énergétique national moins dispendieux et plus propre – au sens environnemental du terme – qui, tout en permettant la sortie, tout aussi souhaitée, du pays “de l’addiction aux hydrocarbures” qu’il traîne depuis des lustres, lui permettra également une meilleure préservation – et, partant, valorisation – de ses ressources en hydrocarbures fossiles. Dans cet objectif, le professeur Chitour a annoncé l’élaboration, par son département ministériel, d’une stratégie s’articulant autour d’un ensemble d’axes.
Les plus urgents, a-t-il précisé, sont “la chasse au gaspillage énergétique » et son corollaire, “la rationalisation de la consommation d’énergie”. Dont la concrétisation effective ne pouvait, a-t-il ajouté, se passer de l’établissement d’une “liste de tous les gisements d’économie d’énergie”. Nombreux, ces derniers ont été, principalement, recensés dans les secteurs de l’habitat, des transports et de l’énergie; concernant ce dernier, dans la production d’électricité même. Dans le premier, le ministre a cité, à titre d’exemple, le chauffage de l’eau qui peut, et doit, se faire non plus à l’aide d’appareils fonctionnant au gaz naturel mais d’appareils solaires. Dans la foulée, il a annoncé que le prototype d’un tel appareil existe et que son ministère l’a même certifié. Et ce, a-t-il ajouté, “dans la perspective, à laquelle doivent être associées les micro-entreprises, de lancer sa production industrielle”.
Aussi important que le premier, sinon plus, le deuxième “gisement d’économie d’énergie” est constitué par les carburants utilisés dans le secteur des transports. Ce sont, en effet, selon le ministre, pas moins de 17 millions de tonnes de pétrole, dont deux millions importées sous forme de gas-oil et d’essence, qui y sont annuellement “englouties”. Une situation que son ministère s’attelle déjà à corriger. Et ce, par le lancement d’une vaste opération de conversion au GPL et au diesel-fuel – ce dernier terme désignant une combinaison entre le gas-oil et le GPL – des véhicules en circulation. Une opération qui donne déjà des résultats encourageants.
Durant l’année en cours, 80 000 véhicules ont été convertis au GPL et il est attendu que 200 000 autres le soient en 2021. Ce qui permettra, a annoncé le Pr. Chitour, “d’épargner 200 000 tonnes d’essence annuellement”. Une substantielle “épargne” mais de gas-oil, cette fois-ci, sera également réalisée, toujours selon le ministre, par la conversion au diesel-fuel, des véhicules utilisant ce carburant. Il l’a, en effet, estimée “à 30%” de la consommation actuelle de gas-oil. Quant au troisième gisement existant dont l’exploitation hâtera la transition énergétique visée et, partant, le développement de l’utilisation des énergies renouvelables, il se situe dans la production d’électricité. Le ministre de la Transition énergétique et des Énergies renouvelables a, en effet, fortement plaidé pour l’abandon des centrales thermiques utilisant le gaz naturel pour la production de cette énergie et vivement défendu l’option “d’aller résolument aux centrales solaires, surtout, et éoliennes” pour le faire. Une option, a-t-il expliqué, qui sera doublement profitable à l’économie nationale: En plus de contribuer à la préservation de nos réserves en gaz naturel, les centrales solaires produiront de l’électricité à moindre coût: “le kwh solaire est moins cher que le kwh thermique”, a, en effet, argumenté le ministre.
Sauf que le Pr. Chitour n’a pas manqué de faire part de ses appréhensions quant à la possibilité que le plan qu’il préconise connaisse des blocages dans sa réalisation; des blocages qu’il a préféré imputer “aux habitudes acquises dans le secteur”. Une manière toute diplomatique de critiquer le penchant que certaines parties dans le secteur de l’Énergie continuent d’avoir pour les hydrocarbures fossiles.
- Mourad Bendris