Qu’un haut responsable d’un pays s’entretienne avec ses homologues d’autres pays, cela n’est pas pour étonner. C’est inhérent à la charge qu’il exerce, sommes-nous tentés d’écrire. Mais quand la conjoncture est particulière et que les interlocuteurs eux aussi le sont quelque part, cela ne manque pas d’ouvrir grand la porte à toutes les spéculations. Les entretiens que vient d’avoir le Premier ministre Abdelaziz Djerad avec son homologue chinois et, moins de vingt-quatre plus tard, avec son pair russe, réunissent les deux conditions susmentionnées qui ont fait qu’ils ne sont pas passés inaperçus. Ni la conjoncture dans laquelle ils ont eu lieu, ni le fait que la Chine et la Russie ne sont pas des acteurs anodins de la scène politique internationale, ne pouvaient, en effet, les dérober à l’attention des observateurs de celle-ci. Tout indique, en effet, que ces entretiens constituent une sorte de réponse à l’évolution que connaît la scène régionale depuis la double annonce par le président américain sortant, Donald Trump, de la décision du royaume du Maroc et de l’entité sioniste de normaliser leurs relations – ce qui est effectif depuis quelques jours avec la signature, sous auspices étasuniens, à Rabat, de l’accord l’officialisant – et de sa reconnaissance, twittée, de la “marocanité” du Sahara Occidental – ce qui est loin d’être acquis au vu des réactions de rejet de celle-ci enregistrées un peu partout dans le monde et aux Etats-Unis même. Surtout que cette évolution porte en elle tous les germes d’un embrasement généralisé de l’aire maghrébo-sahélienne; un embrasement qui n’épargnerait pas l’Algérie. Ce serait, en effet, faire preuve de naïveté et de cécité politique que de croire que l’entité sioniste se soit brusquement métamorphosé en un Etat pacifique et que les Etats-Unis aient abandonné leur GMO (Grand Moyen Orient), un plan visant aux démembrements des Etats composant l’aire arabo-musulmane dont tirerait profit l’entité sioniste. Les deux entretiens susmentionnés du Premier ministre, Abdelaziz Djerad, avec ses homologues chinois et russe, et leur teneur, indiquent clairement que l’Algérie n’est ni naïve ni aveugle quant aux objectifs inavoués de la normalisation du Makhzen avec l’entité sioniste. En renouvelant à ses interlocuteurs la disponibilité de notre pays à développer fortement ses relations avec les leurs et, surtout, à inscrire un tel développement dans un cadre stratégique, il a clairement réaffirmé que la place de l’Algérie dans le monde qui est en train de naître est dans le camp de ceux qui rejettent l’hégémonisme occidental, et, particulièrement, étasunien, et œuvrent à l’instauration d’un monde apaisé, plus juste et plus équilibré où les relations entre les Etats – quels que soient leur taille ou leur poids – seront basées sur le principe “du partenariat gagnant-gagnant”. Un monde auquel aspirent, à l’évidence, et l’Algérie, et la Chine et la Russie. Mais nullement l’entité sioniste et les pays occidentaux.
Mourad Bendris