La CGEA monte au créneau

 

Poursuivant son inlassable action pour l’amélioration du climat des affaires en Algérie, la présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) a pris part, dans la soirée d’hier, dimanche 14 mars, à l’émission hebdomadaire “Maâ Leïla” que diffuse Lina TV, une chaîne généraliste opérationnelle depuis le mois d’octobre 2020. Sauf que cette fois-ci, elle s’est faite accompagnée par son vice-président, Hassan Chaouch et deux hommes d’affaires membres de son organisation; le patron de BOMARE Company, une entreprise spécialisée dans la fabrication de produits électroniques de haute technologie et un jeune concessionnaire en matériel agricole qui s’est lancé, depuis 2015, dans la fabrication d’engins agricoles. Une présence qui n’était nullement fortuite. Comme l’a, d’ailleurs, indiqué Saïda Neghza dans son speech d’ouverture: “Nous avons décidé de ne plus nous contenter de nous plaindre mais de proposer également des solutions aux problèmes que nous rencontrons”, a-t-elle, en effet, déclaré. La présence des trois opérateurs économiques obéissait donc à ce souci de la CGEA d’être, disons, positive. Sauf que ce souci ne pouvait pas faire l’économie d’une plus grande clarification des problèmes rencontrés sur le terrain par les investisseurs nationaux; “les véritables”, a tenu à le souligner la présidente de la CGEA qui ne ratent ainsi aucune occasion pour se démarquer – pour mieux les dénoncer, à l’évidence – de tous les autres se présentant comme tels mais qui n’ont d’autre souci que d’obtenir de l’argent des banques; un argent qu’ils utilisent, a-t-elle précisé, pour toute autre fin que celle déclarée. Ce à quoi – la clarification des problèmes rencontrés par les opérateurs économiques – se sont attelés, à tour de rôle, Ali Boumediène, DG de BOMARE Company, Hassan Chaouch, vice-président de la CGEA et opérateur dans le secteur de l’Habitat, et Kheireddine Athmania, industriel spécialisé dans la fabrication d’engins agricoles. 

Simple bureaucratie ou blocage délibéré?

Partant de leurs expériences respectives propres, ils ont dénoncé les entraves qu’ils subissent dans l’exercice de leurs activités. Surtout, dans la concrétisation des projets d’extension de ces dernières. Usant d’un langage des plus posés et ne versant à aucun moment dans l’invective, ils ont donné des exemples concrets de ce qu’ils subissent comme entraves. Ouvrant le bal, le DG de BOMARE Company a parlé, dans un premier temps, de l’incompréhensible absence de réponse à la demande qu’il a adressée, au début de l’année en cours, au wali de Blida pour voir, uniquement, s’il pouvait ou non développer son activité sur le site, de 10 000 m2, qu’il venait d’acquérir, par ses propres fonds, dans la wilaya de Blida. Faut-il préciser que cette absence de réponse perdure toujours. Comme perdure celle qu’il attend des services du gouvernement et des ministères compétents au dossier qui leur a transmis, il y a plus de trois mois, à propos de la réalisation d’un important projet auquel doit normalement participer un fabricant mondial de produits électroniques de renom; l’importance dudit projet résidant aussi bien dans son coût que dans ses objectifs. Destiné à produire en Algérie tous les composants, aujourd’hui importés, entrant dans la fabrication des produits électroniques, le projet, estimé à 3,5 milliards de dollars créera, a précisé Ali Boumediene, à son entrée en production, quelque “10 000 emplois” et contribuera, dans les trois années qui suivront, “à la création d’environ 1000 entreprises sous-traitantes”. Bien que différents, les problèmes qu’affrontent Kheirredine Athmania aboutissent au même résultat; à savoir le blocage d’un projet important pour l’économie nationale. Un blocage d’autant plus  malvenu que le projet est aujourd’hui a été concrétisé sur le terrain. L’usine dont le jeune industriel a entrepris la réalisation en 2015, soit au lendemain de la décision du gouvernement d’alors d’interdire l’importation des engins agricoles, est, en effet, depuis 2017, une réalité concrète. Réalisée en partenariat avec un grand fabricant italien de machinisme agricole, dont le groupe Kheirredine Athmania était, jusqu’en 2015, le concessionnaire exclusif, sur fonds propres et dans une zone d’ombre de la wilaya frontalière d’El Tarf, celle-ci est prévue pour  employer quelque “1000 travailleurs”. Qui depuis attendent que les autorités compétentes veuillent bien accorder à leur employeur le “sésame” tant espéré. En clair, l’agrément qui lui permette de lancer la production de tracteurs avec un taux d’intégration oscillant, selon Kheirredine Athmania “entre 30% et 50%”. Se voulant plus précis à ce propos, ce dernier a clairement fait porter le chapeau à l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia qu’il a ouvertement accusé d’avoir bloqué son projet. Surtout que celui-ci lui avait déclaré, lors de l’audience qu’il lui avait alors accordée, que si “Bouchouareb s’était trompé, moi, je ne vais pas persévérer dans le montage”. Une explication que le jeune investisseur a dit ne pas comprendre. Comme il a dit ne pas comprendre “l’aberration que constitue l’imposition aux investisseurs dans le domaine du machinisme agricole le même cahier de charges que celui imposé aux constructeurs automobiles”. Dans la lancée, il n’a pas manqué de considérer le blocage de son projet “d’être une autre aberration”. Et d’expliquer: “Les besoins annuels de l’Algérie en tracteurs est de 10 000 engins et quand on sait que la durée de vie d’un tracteur est de 18 ans, qu’il existe 1 700 000 exploitations agricoles dans notre pays, que la surface agricole utile y est de 8,5 millions et que celle-ci peut-être portée à 30 millions d’hectares si les terres de notre vaste Sahara sont mises en valeur, que 23% de la population active nationale est constituée d’agriculteurs, que seuls trois à quatre constructeurs de machinisme agricole existent en Algérie et que la valeur basse du dinar par rapport aux devises étrangères rend nos produits compétitifs à l’exportation, on ne peut que s’étonner de ce qui m’arrive”. Malgré tous ces problèmes, Kheirredine Athmania n’est pas près de baisser les bras. Épaulé par la CGEA, il a introduit, il y a cinq mois, auprès des services compétents du ministre de l’Industrie un nouveau dossier pour obtenir le déblocage de son projet. Un déblocage qu’il espère rapide surtout que la situation de son groupe devient de plus en plus intenable. Avec les frais d’entretien de l’usine et de ses équipements. Ce qui a poussé celui-ci à procéder au licenciement d’un certain nombre de ses employés. 

Saïda Neghza tire à boulets rouges sur Ferhat Aït Ali

Intervenant à ce moment précis dans les débats, la présidente de la CGEA s’en est vertement prise à l’ancien ministre de l’Industrie, Ferhat Aït Ali. Pour son immobilisme: “En une année de présence à la tête du secteur de l’Industrie, il n’a pris aucune décision”. Mais également pour certains objectifs malsains qu’elle lui a attribués: “Il est venu pour casser l’Algérie et il était en contact permanent avec des membres avérés de la Issaba”. Et à ce propos, Saïda Neghza a déclaré que cette dernière “est toujours active sauf qu’elle s’est faite plus discrète”. Est-ce dans ce fait qu’il faudrait chercher les causes des blocages et entraves que continuent de subir nombre d’investisseurs algériens. Sans le dire explicitement, Hassan Chaouch, vice-président de la CGEA ne l’a pas moins suggéré. Et ce, en exposant les problèmes que vivent nombre d’opérateurs intervenant dans le secteur du BTPH (Bâtiment, Travaux Publics, Habitat), “le moteur reconnu de toute économie”, a-t-il rappelé. Se faisant le porte-parole des opérateurs du sous-secteur de l’Habitat, dont il fait partie, il a fait part de la nécessité, sous peine, a-t-il alerté, “de voir ces opérateurs déclarer faillite”, de procéder urgemment “à une actualisation et à une révision des prix” retenus dans les contrats de réalisation qu’ils ont signés avec l’administration publique. Une exigence que les opérateurs affectés ont formulé, a-t-il précisé, après qu’ils eurent constaté que cette dernière les a informés, après la reprise de l’activité après une année d’arrêt pour cause de pandémie, que “les prix arrêtés (figurant dans les contrats) étaient fermes et non révisables”. Et ce, pour le danger qu’une telle décision constitue pour le devenir de leurs entreprises. Surtout que celles-ci sont déjà confrontées à un autre problème qui risque également, s’il n’est pas résolu dans les plus brefs délais, de les pousser à la faillite; celui de la non perception de leur dû dans les délais conjointement fixés.

Des propositions pour débloquer la situation…

C’est pour sortir de cette situation et, dans le même temps, pour mettre définitivement fin à la toute-puissance de “la bureaucratie administrative” dans le traitement des dossiers d’investissement, que les quatre opérateurs économiques présents ont appelé à la numérisation de l’administration. Pour Ali Boumediene, patron de BOMARE Company, si cela venait à être appliqué dans les plus brefs délais, “l’Algérie sortira définitivement de la crise économique qu’elle vit, dans les cinq années à venir”. Dans la lancée, il a appelé “les Algériens, gouvernants et gouvernés, à sortir de la logique de la rente”. En clair, “à se convaincre une bonne fois pour toute que l’ère du pétrole et du gaz comme sources de richesse, est définitivement révolue”. Intervenant à sa suite, Hassan Chaouch, vice-président de la CGEA, a fait deux propositions aussi originales qu’intéressantes: il a, en effet, proposé la mise en place “de tripartites” – ces réunions entre les représentants de l’Etat, du patronat et de syndicats – de wilaya qui se réuniraient tous les trois mois” et ce, pour débattre de tous les problèmes pouvant entraver l’acte de développement en général. Et, à l’échelle nationale, “l’octroi au patronat d’un siège permanent au sein du parlement”. Ainsi, a-t-il expliqué, “ses représentants peuvent intervenir directement dans tous les débats s’y déroulant en rapport avec l’économie du pays”. Pour Kheirredine Athmania, “tous les problèmes peuvent être résolus dans le cadre d’un dialogue sincère et continu entre le gouvernement et les opérateurs économiques”. Un point de vue que la présidente de la CGEA, Saïda Neghza, a clairement partagé. Qui a profité de l’occasion pour lancer un appel au président de la République “à prendre en charge les problèmes des véritables investisseurs… »

Mourad Bendris