La France viole le droit international

Par: Juan Ruiz Ramos

Ces dernières années, nous nous sommes familiarisés avec le terme « réfugié » en raison de son utilisation fréquente dans les médias. Mais qu’est-ce qu’un « réfugié » exactement ?

En termes simples, selon la Convention de Genève de 1951, un réfugié est une personne qui est obligée de fuir son pays parce qu’elle subit une violation grave des droits de l’homme pour des raisons ethniques, religieuses, d’opinion politique ou d’appartenance à un groupe minoritaire et que son État refuse de la protéger, ou bien ce sont les autorités de son pays elles-mêmes.

Dounia et Adnane Filali, un couple marocain de journalistes youtubers, répondent parfaitement à cette définition. À tel point que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) les a reconnus comme des réfugiés parce que, en raison de leurs opinions politiques critiques envers le régime de Mohamed VI, ils ont été forcés de quitter le Maroc.

Ils ont atterri en Chine, où ils n’ont pas trop bien réussi, étant donné qu’ils ont été victimes d’une agression policière à leur domicile. C’est pourquoi ils ont fui en France avec l’illusion que le gouvernement français lui maintienne le même statut de réfugié que celui reconnu par le HCR.

Cependant, le gouvernement français leur a refusé la protection demandée sans même les entendre. C’est pourquoi, et en dehors de l’accusation d’antisémitisme contre le couple formulée par l’association Bureau national de vigilance contre l’antisemitisme, le motif du refus d’asile semble avoir été la crainte de la France de détériorer ses relations avec le Maroc. Un pays dont le pouvoir énergétique et géostratégique fait trembler les démocraties européennes.

La même crainte qui a dû amener le président Sanchez à reconnaître l’autorité du Maroc sur le Sahara occidental l’année dernière, contredisant toutes les résolutions de l’ONU et le Congrès lui-même. Sûrement, la même raison politique a eu le gouvernement de Rajoy lorsqu’il a expulsé trente demandeurs de protection sahraouis en 2014, ce qui a valu à l’Espagne une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme (cas A.C. et autres c. Espagne).

Si, dans l’Union européenne, l’octroi du statut de réfugié incombe aux États membres, il existe des normes minimales que les autorités nationales doivent respecter. Ainsi, selon les directives de reconnaissance (2011/95/UE) et de procédure d’asile (2013/32/UE), la police ou l’administration concernée est tenue d’examiner la demande de la personne concernée.

Lors de cet examen, l’autorité devra non seulement écouter la version des faits du demandeur, en évaluant sa crédibilité, mais aussi recueillir les informations disponibles sur le pays d’origine, afin de contraster l’histoire individuelle avec la situation générale des droits de l’homme dans ce pays.

La France, qui a développé ces directives dans sa législation nationale, n’a rempli aucune de ces obligations. D’une part, la décision de refuser la protection a été prise avant d’interviewer le couple de journalistes. Et, d’autre part, les autorités françaises ont ignoré non seulement l’opinion du HCR, mais aussi des rapports pertinents comme le Press Freedom Index, selon lequel les journalistes indépendants au Maroc « sont des pressions constantes ».

En outre, si le statut de réfugié est refusé, le demandeur a le droit d’introduire un recours auprès d’une juridiction et d’obtenir une assistance juridique gratuite. De son côté,

la directive sur les conditions d’accueil (2013/33/UE) oblige les États à garantir aux demandeurs un logement
et un minimum d’assistance sociale, ainsi qu’un permis de travail, pendant que leur demande est résolue. Dounia et Adnane, cependant, ont été privés de tous ces droits.

Enfin, le fait que le gouvernement français ait diffusé parmi les commissariats un rapport de la police marocaine (précédûment avertissant la France de ne pas accorder la protection) porte atteinte à la raison d’être de la Convention sur les réfugiés, qui est précisément de créer un mur de soutènement entre le réfugié et l’État qui le poursuit.

Le couple de youtubers n’est pas resté impassible et a lancé une grève de la faim pour faire pression sur le gouvernement français, affirmant qu’ils ne s’arrêteront pas tant que leurs droits en tant que réfugiés ne seront pas garantis. Pendant ce temps, ils demandent de l’aide à la communauté internationale pour se réinstaller dans un pays sûr.

Compte tenu de la dépendance croissante de l’Europe à l’égard de l’énergie, des services de sécurité et de contrôle frontalier marocains, on peut se demander si un État osera les accueillir. Compte tenu de la réaction du Maroc lorsque l’Espagne a hospitalisé le leader du Front Polisario en 2021, il est peu probable que le gouvernement espagnol soit le premier à répondre à cet appel.

*** Juan Ruiz Ramos est professeur de droit international public (FPU) à l’Université de Grenade.