Au cœur de l’Afrique du Nord, le Maroc est aux prises avec une crise dévastatrice qui ébranle son économie et remet en question son modèle agricole. Une sécheresse généralisée et persistante a frappé le pays, entraînant la perte de centaines de milliers d’emplois dans le secteur agricole crucial.
Le secteur agricole est depuis longtemps une pierre angulaire de l’économie marocaine, constituant 14 % du PIB du pays et employant environ 40 % de la population active. Au fil des années, le Maroc a investi dans le développement de ce secteur, visant à en faire un acteur majeur sur la scène internationale. Le Plan Maroc Vert (PMV), lancé en 2008, visait à stimuler les exportations agricoles et à positionner le Maroc comme un fournisseur clé de l’Union européenne pour des produits tels que les tomates, les haricots verts, les poivrons, les fraises, les agrumes et l’huile d’olive.
Les premiers résultats du PMV étaient prometteurs, avec une augmentation significative du PIB agricole et des exportations de produits alimentaires. Cependant, cette stratégie a rapidement révélé ses limites, la sécheresse étant devenue un problème endémique au Maroc.
La sécheresse est devenue une réalité alarmante au Maroc, menaçant non seulement la production agricole mais mettant également en péril la disponibilité de l’eau pour les populations urbaines. En 1960, le pays disposait de 2 600 mètres cubes d’eau par personne et par an. Aujourd’hui, ce chiffre est tombé à seulement 600 mètres cubes, bien en deçà de la demande nationale.
Dès 2022, Fouad Amraoui, professeur des sciences de l’eau à l’Université Hassan II de Casablanca, alertait sur la situation critique. Les sources vitales d’approvisionnement en eau, comme le barrage d’Al Massira, l’un des plus grands du pays, n’ont été remplies qu’à 5,5 %. La situation est encore plus préoccupante dans certaines régions.
Une cause majeure de cette crise est la surexploitation des aquifères souterrains. Les agriculteurs marocains creusent des puits de plus en plus profonds pour accéder à l’eau, épuisant ainsi les réserves d’eau souterraine. Le chercheur universitaire néerlandais Marcel Kuper souligne que la situation des aquifères souterrains est devenue si alarmante qu’ils ne peuvent plus compenser la rareté des eaux de surface.
La culture de cultures gourmandes en eau comme les agrumes, les pastèques et les avocats, encouragée par les subventions gouvernementales, a également contribué à cette crise. Les agriculteurs ont étendu leurs plantations, ignorant les défis climatiques et environnementaux.
Le modèle agricole marocain, tourné vers l’exportation, a atteint ses limites. L’agriculture intensive nécessite d’énormes quantités d’eau, ce qui entraîne une dépendance croissante aux ressources en eau. Aujourd’hui, malgré son potentiel agricole, le Maroc importe une part importante de ses besoins alimentaires de base, notamment du maïs, des huiles de graines, du blé et du sucre.
La flambée des prix alimentaires mondiaux aggrave la situation économique du pays, et la suppression des subventions aux cultures d’agrumes, de pastèques et d’avocats a aggravé la crise. Les agriculteurs, ne bénéficiant plus d’aide pour le creusement de puits ou le matériel d’irrigation, se retrouvent dans des situations précaires.
Face à cette crise majeure, les autorités marocaines reconnaissent la nécessité d’un changement radical du modèle agricole du pays. Le plan Génération Verte 2020-2030 cherche à remédier à certaines des lacunes du PMV en se concentrant sur la résilience au changement climatique et en plaidant pour une utilisation plus efficace de l’eau.
Cependant, le Maroc est confronté à un dilemme complexe. Il doit créer des emplois ruraux tout en préservant ses ressources en eau limitées. Les experts appellent à une reconsidération approfondie de la politique agricole du pays, mettant en garde contre les conséquences environnementales et économiques de la surexploitation des ressources en eau.
La sécheresse qui frappe le Maroc est bien plus qu’une crise météorologique passagère. Elle remet en question un modèle agricole qui est depuis des années le moteur de la croissance économique du pays. Les enjeux sont énormes, tant sur le plan économique qu’environnemental.