En s’attaquant militairement, le 13 novembre dernier, à des civils sahraouis qui manifestaient pacifiquement contre l’ouverture de la brèche illégale d’El Guergarat, située à l’extrême-sud du territoire du Sahara Occidental occupé, dans une zone démilitarisée, la soldatesque marocaine – et derrière elle, le Makhzen – ne pensait pas qu’elle allait provoquer, ce faisant, une réaction en chaîne d’événements, le moins qu’on puisse en dire, est qu’ils vont dans le sens opposé à celui prévu par ledit Makhzen. Et, faut-il le préciser, ses protecteurs dans le monde.
Outre la révolutionnaire décision de la direction nationale sahraouie de ne plus se considérer tenue par l’accord de cessez-le-feu, signé en septembre 1991, sous l’égide de l’ONU, entre le Front Polisario et le royaume du Maroc, alors dirigé par Hassan II, le paternel de l’actuel monarque, cette agression est en train de bouleverser des positions que l’on pensait immuables tant elles étaient statiques. Parmi lesquelles la neutralité que la Mauritanie observe dans le conflit sahraoui depuis que, contrainte par les attaques des combattants sahraouis, elle s’était retirée, en 1979, des Accords scélérats de Madrid de 1975; des accords par lesquels, pour rappel, l’Espagne, à l’époque toujours dirigée par le moribond dictateur Franco, faisant fi de ses obligations de puissance occupante, s’était étrangement et brusquement retirée du Sahara Occidental; lequel, en vertu précisément desdits accords, avait été partagé entre le Maroc, au Nord, et la Mauritanie, au Sud.
Depuis et bien que reconnaissant la RASD (République arabe sahraouie démocratique), cette dernière s’est murée dans une attitude de neutralité dans le conflit qui continue entre le royaume de M6 et le Front Polisario. Une neutralité de moins en moins acceptée par de larges pans de la classe politique et de la société civile mauritaniennes. Une personnalité de la société civile “du pays du million de poètes” se distingue dans son opposition à cette attitude. Sidi Mohamed Mostefa, c’est son nom, président du Réseau de la société civile pour les droits de l’Homme en Mauritanie, une association particulièrement active dans le domaine qui est le sien, a adressé, au lendemain de la signature officielle, à Rabat, des accords de normalisation des relations entre le Maroc et l’entité sioniste, une lettre au président mauritanien, Mohamed Ould Ec-cheikh El Ghazouani, l’invitant à réagir aux “menaces qui pèsent sur le peuple sahraoui”. Du fait, y a-t-il expliqué, “de l’entreprise génocidaire qui est menée contre lui depuis 47 ans” par le Makhzen et ce, a-t-il ajouté, dans le clair objectif “de piller ses richesses”.
Établissant un lien avec ces menées et les derniers événements d’El Guergarat, Sidi Mohamed Mostefa a indiqué que le passage qui s’y trouve est, en réalité, “une des portes de sortie, en direction de Nouakchott, Dakar, Bamako et d’autres villes africaines, des richesses pillées du Sahara Occidental”. Bien plus, il a révélé que ces richesses pillées “servent au soutien et au financement des mouvements terroristes” activant dans cette partie du continent africain et qui s’inscrivent “dans la mouvance de l’islam politique wahabite”. Toutes ces situations et tous ces faits commandent à la Mauritanie “de peser de tout son poids” pour mettre un terme “aux visées expansionnistes et colonialistes du roi Maroc”. Un roi qu’il n’a pas hésité à qualifier “de marionnette entre les mains de ses maîtres: les chrétiens sionistes, la franc-maçonnerie internationale, Israël, la France et les Etats-Unis”. Et auquel il a dénié le droit de se prévaloir du titre sacré “de commandeur des croyants”.
A la fin de sa missive, le président du Réseau de la société civile maghrébine pour les droits de l’Homme en Mauritanie a appelé Mohamed Ould Ec-cheikh El Ghazouani, maintenant que la guerre a repris au Sahara Occidental, à suivre l’exemple, “clair et courageux” de l’Algérie et de son président qui se sont ouvertement prononcés en faveur de la défense des droits du peuple sahraoui. Ceci tout en saluant le refus de l’Algérie et de la Tunisie de laisser l’avion transportant la délégation américano-sioniste, qui avait décollé de Tel Aviv en direction de Rabat, survoler leurs espaces aériens respectifs.
- Mourad Bendris